Amour « Éros, Philia et Agapé »
Quelle est la nature de notre amour ?
Quelle est la nature de l’amour vécu avec l’autre ? Quel est son degré de « justesse » ? Le mot « amour » est extrêmement galvaudé et appelle un travail de discernement. Pour cela il convient de faire la différence entre l’amour « Éros », l’amour « Philia », et l’amour « Agapé ».
L’amour « Éros » est fondé sur une relation sensuelle, charnelle, sexuelle, éventuellement amoureuse et passionnelle. Ce peut être l’ivresse d’un « coup de foudre » qui induit un fort désir de l’autre. Cela peut être délicieux et… ravageur. Il y a un risque de vivre une illusion, d’aimer l’image de l’autre basée sur des fantasmes et l’imaginaire. Le partenaire peut être vécu comme un objet d’amour conditionnel où l’ego possessif prend toute la place. Si l’attachement à une personne est uniquement conditionné par une passion érotique, le risque de perdition est présent et le Malin peut en faire un terrain de prédilection dévastateur. Cependant l’amour Éros peut initier une relation qui évoluera vers l’amour Philia ou Agapé afin de se vivre harmonieusement au long cours.
L’amour « Philia » est l’attachement lié à un sentiment d’amitié, associé à des valeurs, des centres d’intérêts et des objectifs communs. Il prend appui sur des plaisirs partagés, des échanges, du jeu, de la solidarité et de la complicité. La relation est chaleureuse et affective, chacun ayant le souci de l’autre. Cependant, il est conditionnel car fondé sur des activités ou des vécus partagés.
L’amour « Agapé » est un amour fraternel, universel, altruiste, spirituel. Il se donne « gratuitement », de manière désintéressée, sans attendre de retour. Il est inconditionnel, accepte l’autre tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts. Il souhaite son bien-être sans profit personnel. Il a de la compassion pour l’autre et l’aime… même s’il n’est pas aimé de lui. C’est un amour affranchi de l’ego qui se situe au-delà de l’émotionnel.
Aimer l’autre, c’est cultiver des sentiment de bienveillance et de compassion à son égard, reconnaître ses blessures à l’origine d’agissements déviants, cultiver le non-jugement. Aimer l’autre, c’est respecter nos différences et accepter que nous sommes tous en chemin avec des degrés de maturité et d’évolution propres à chacun. Aimer l’autre, c’est écarter tout à priori à son égard, garder le cœur ouvert et reconnaître le Christ qui l’habite au-delà des ombres qui peuvent l’animer. C’est avoir un regard altruiste qui l’aidera à grandir.
À propos de l’autre, Eckhart Tolle dit : « Si son passé était le vôtre, son niveau de conscience le vôtre, vous penseriez et agiriez exactement comme lui. Avec cette prise de conscience viennent le pardon, la compassion, la paix. ». Un tel état d’esprit prévaut également à l’égard de tout groupe social, ethnie ou nation.
L’archétype de l’amour Agapé est celui du Créateur pour sa créature, illustré dans le Cantique des cantiques et résumé par le prophète Isaïe lorsqu’il évoque l’amour de Dieu pour Jérusalem : « Tout comme un jeune homme épouse une jeune fille vierge, tes descendants deviendront pour toi pareils à des époux, et tout comme la fiancée fait la joie de son fiancé, tu feras la joie de ton Dieu ». (Is 62, 5).
L’amour Agapé est celui de Jésus pour l’humanité entière pour laquelle Il a donné sa vie. C’est de cet amour qu’il nous est proposé de l’aimer. De même en est-il envers notre prochain.
Comment percevoir une telle forme d’amour ? En cultivant la présence du Christ en soi. En se laissant touché par ses paroles, en tentant d’en percevoir leur vérité profonde, et y découvrir les secrets et le sens de la vie. En priant, et constater que des réponses nous sont données. En étant touché par la beauté angélique d’un enfant, ou en contemplant la splendeur d’un paysage, œuvre de sa création. En percevant la présence du Christ en l’autre et la laisser résonner avec sa présence en soi. Tout cela procède d’une expérience personnelle et rejoint saint Paul s’exclamant : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2, 20).
Alain-Joseph Setton
Extrait du livre « Le coaching biblique, un accompagnement psycho-spirituel »
Cette vision est confirmée par saint Irénée pour qui : « L’Homme créé à l’image de Dieu est capable de déification. Il n’a pas été créé achevé. Il lui est demandé de collaborer à sa propre élaboration, création ». Selon saint Irénée : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu ». Pour le père Philippe Dautais : « Capable de ressemblance » signifie que tout reste à faire. Si l’image de Dieu est actuelle, la ressemblance, elle, est à accomplir. »
Reste à préciser ce que signifie « accomplir ». Pour Annick de Souzenelle, l’Arbre de la connaissance n’est pas celui de « la connaissance du bien et du mal », mais celui de « l’accompli et du non encore accompli ». Elle fait référence à nos deux côtés, conscient et inconscient, qui ne sont pas à dénier mais à reconnaître et à intégrer. Et elle ajoute : « l’homme est créé libre de répondre ou non à sa vocation d’accomplissement.
Ainsi, notre chemin de mutation a pour ambition de tendre vers la déification. Pour cela, un travail d’accomplissement nous est proposé. « Tout est accompli » (Jn 19, 30), dit Jésus sur la croix, ouvrant la voie à notre propre chemin d’accomplissement.
À mon sens, l’accomplissement est un processus d’élargissement de conscience et d’ouverture du cœur. Il passe aussi par la reconnaissance, la transformation et l’intégration de nos « ombres », à savoir notre violence, nos peurs, colères, dépressions, jalousies, orgueils, etc., qui peuvent être autant d’obstacles à notre évolution spirituelle.
Ces émotions en excès ou inadaptées aux réalités présentes sont des symptômes qui témoignent de nos blessures, souffrances, conflits, manifestations égotiques ou manque de foi. Elles sont autant d’indicateurs de notre « non encore accompli » et nous invitent à accomplir un travail de transformation.
Alain-Joseph Setton
Extrait du livre « Le coaching biblique, un accompagnement psycho-spirituel »
Alain-Joseph Setton
Extrait du livre « Le coaching biblique, un accompagnement psycho-spirituel »